Page:Maupertuis - Œuvres, Dresde, 1752.djvu/275

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moucheté, ou avec des griffes, à moins que ce ne soit un effet du hasard qui n’ait rien de commun avec la frayeur du tigre. De même l’enfant qui naquit roué est bien moins prodige que ne le seroit celui qui naîtroit avec l’empreinte de la cerise qu’auroit voulu manger sa mere ; parce que le sentiment qu’une femme éprouve par le desir ou par la vue d’un fruit ne ressemble en rien à l’objet qui excite ce sentiment.

Cependant rien n’est si fréquent que de rencontrer de ces signes qu’on prétend formés par les envies des meres : tantôt c’est une cerise, tantôt c’est un raisin, tantôt c’est un poisson. J’en ai observé un grand nombre : mais j’avoue que je n’en ai jamais vu qui ne pût être facilement réduit à quelqu’excroissance ou quelque tache accidentelle. J’ai vu jusqu’à une souris sur le cou d’une Demoiselle dont la mere avoit été épouvantée par cet animal ; une autre portoit au bras un poisson que sa mere avoit eu envie de manger. Ces animaux paroissoient à quelques-uns parfaitement dessinés : mais pour moi l’un se réduisit à une tache noire et velue, de l’espece de plusieurs autres qu’on voit quelquefois placées sur la joue, et auxquelles on ne donne aucun nom, faute de trouver à quoi elles ressemblent : le poisson ne fut qu’une tache grise. Le rapport des meres, le souvenir qu’elles ont d’avoir eu telle crainte ou tel desir, ne doit pas beaucoup embarrasser : elles ne se souviennent d’avoir eu ces desirs ou ces craintes qu’après qu’elles sont accouchées d’un enfant marqué ; leur mémoire alors leur fournit tout ce qu’elles veulent : et en effet il est difficile que dans un espace de neuf mois une femme n’ait jamais eu peur d’aucun animal, ni envie de manger d’aucun fruit.


CHAPITRE XVI

Difficultés sur le systême des œufs, et des animaux spermatiques.


Il est temps de revenir à la maniere dont se fait la génération. Tout ce que nous venons de dire, loin d’éclaircir cette matiere, n’a peut-être fait qu’y répandre plus de doutes. Les faits merveilleux