Page:Maupertuis - Œuvres, Dresde, 1752.djvu/279

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tains dont il ne sauroit connoître les causes ; et que ses sens ne lui sont donnés que pour humilier son esprit.

On ne sauroit guere douter qu’on ne trouve encore plusieurs autres productions pareilles, si on les cherche, ou peut-être lorsqu’on les cherchera le moins. Et quoique celles-ci paroissent moins organisées que les corps de la plupart des animaux, ne pourroient-elles pas dépendre d’une même méchanique, et de quelques loix pareilles ? Les loix ordinaires du mouvement y suffiroient-elles, ou faudroit-il appeller au secours des forces nouvelles ?

Ces forces, tout incompréhensibles qu’elles sont, semblent avoir pénétré jusques dans l’Académie des Sciences de Paris, où l’on pese tant les nouvelles opinions avant que de les admettre. Un des plus illustres Membres de cette Compagnie, dont nos sciences regretteront long-temps la perte[1] ; un de ceux qui avoient pénétré le plus avant dans les secrets de la Nature, avoit senti la difficulté d’en réduire les opérations aux loix communes du mouvement, et avoit été obligé d’avoir recours à des forces qu’il crut qu’on recevroit plus favorablement sous le nom de rapports, mais rapports qui font que toutes les fois que deux substances qui ont quelque disposition à se joindre l’une avec l’autre, se trouvent unies ensemble ; s’il en survient une troisieme qui ait plus de rapport avec l’une des deux, elle s’y unit en faisant lâcher prise à l’autre.[2]

Je ne puis m’empêcher d’avertir ici que ces forces et ces rapports ne sont autre chose que ce que d’autres Philosophes plus hardis appellent attraction. Cet ancien terme, reproduit de nos jours, effaroucha d’abord les Phy siciens qui croyoient pouvoir expliquer sans lui tous les phénomenes de la Nature. Les Astronomes furent ceux qui sentirent les premiers le besoin d’un nouveau principe pour les mouvemens des corps célestes, et qui crurent l’avoir découvert dans ces mouvemens mêmes. La Chymie en a depuis reconnu la nécessité ; et les Chymistes les plus fameux aujourd’hui admettent l’attraction, et l’étendent plus loin que n’ont fait les Astronomes.

Pourquoi si cette force existe dans la Nature, n’auroit-elle pas lieu dans la formation du corps des animaux ? Qu’il y ait dans cha-

  1. M. Geoffroy.
  2. Mém. de l’Acad. des Scienc. de Paris, ann. 1718.