Page:Maupertuis - Œuvres, Dresde, 1752.djvu/286

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l’on ne la trouve tout-à-fait blanche que lorsqu’on s’avance dans la zone tempérée. C’est aux extrémités de cette zone qu’on trouve les peuples les plus blancs. La Danoise aux cheveux blonds éblouit par sa blancheur le voyageur étonné : il ne sauroit croire que l’objet qu’il voit, et l’Afriquaine qu’il vient de voir, soient deux femmes.

Plus loin encore vers le nord, et jusques dans la zone glacée, dans ce pays que le Soleil ne daigne pas éclairer en hiver, où la terre, plus dure que le soc, ne porte aucune des productions des autres pays ; dans ces affreux climats on trouve des teints de lis et de roses. Riches contrées du midi, terres du Pérou et du Potoli, formez l’or dans vos mines ; je n’irai point l’en tirer ; Golconde, filtrez le suc précieux qui forme les diamans et les rubis ; ils n’embelliront point vos femmes, et sont inutiles aux nôtres : qu’ils ne servent qu’à marquer tous les ans le poids et la valeur d’un Monarque[1] imbécille, qui pendant qu’il est dans cette ridicule balance perd ses États et sa liberté.

Mais dans ces contrées extrêmes, où tout est blanc et où tout est noir, n’y a-t-il pas trop d’uniformité ? et le mélange ne produiroit-il pas des beautés nouvelles ? C’est sur les bords de la Seine qu’on trouve cette heureuse variété : dans les jardins du Louvre, un beau jour d’été, vous verrez tout ce que la Terre entiere peut produire de merveilles.

Une brune aux yeux noirs brille de tout le feu des beautés du Midi ; des yeux bleus adoucissent les traits d’une autre : ces yeux portent par-tout où ils sont les charmes de la blonde. Des cheveux châtains paroissent être ceux de la nation. La Françoise n’a ni la vivacité de celles que le Soleil brûle, ni la langueur de celles qu’il n’échauffe pas : mais elle a tout ce qui les fait plaire. Quel éclat accompagne celle-ci ! Elle paroît faite d’albâtre, d’or et d’azur : j’aime en elle jusqu’aux erreurs de la Nature, lorsqu’elle a un peu outré la couleur de ses cheveux. Elle a voulu la dédommager par une nouvelle teinte de blanc d’un tort qu’elle ne lui a point fait.

  1. Le Grand Mogol se fait peser tous les ans : et les poids qu’on met dans la balance sont des diamans et des rubis. Il vient d’être détrôné par Kouli-Can, et réduit à être vassal des Rois de Perse.