Page:Maurault - Histoire des Abénakis depuis 1605 jusqu'à nos jours, 1866.djvu/165

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
149
des abénakis

« En manquant de respect à notre Père, tu as fait paraître que tu n’as pas d’esprit. Tu as voulu le quitter au milieu du chemin et tu l’as obligé de se séparer de son compagnon. Si tu étais de mes sujets ou de ma nation, je te ferais ressentir le déplaisir que tu as causé à tout le pays »[1].

Ce pauvre sauvage, touché des justes reproches du Chef, avoua sa faute et la regretta sincèrement. « Il est vrai, » dit-il, « que je n’ai pas d’esprit d’avoir maltraité une personne que je devais respecter et qui même m’a rendu service ; car je dois déclarer que, pendant ce voyage, le Père m’a rendu la santé par ses prières. Pendant la maladie que j’eus alors, il veillait toute la nuit auprès de moi, chassant par sa prière le démon, qui voulait m’ôter la vie. Plus tard, me voyant encore faible, il ne se contentait pas de porter son bagage, il se chargeait encore du mien. Cet homme obtient tout de Celui qui a tout fait. Les eaux où nous passions étant trop basses, il demanda de la pluie, et il fut exaucé. La faim étant sur le point de nous faire mourir, il pria pour nous, et Celui qui est le maître des animaux nous donna de la nourriture plus qu’il n’en fallait pour le reste de notre voyage. Lui, il ne mangeait presque pas de viande ; il pêchait, pendant la nuit, quelques petits poissons, dont il se contentait, nous laissant les bons morceaux. Dans les endroits où les eaux n’étaient pas assez profondes, il abandonnait le canot pour nous soulager, et marchait des jours entiers,

  1. Idem. 1652. 24.