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Page:Maurel - L Orniere.djvu/159

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Elle avait parlé la tête droite, les yeux au loin, mais, en terminant, elle le regarda d’une telle façon que les mots qu’on le voyait prêt à dire restèrent dans sa gorge et qu’il fit seulement un signe de tête.

— Eh bien ! dit-elle alors, faites préparer le bail, ma mère le signera.

Elle se leva et regarda la porte. Déjà, en pensée, elle y était, elle l’ouvrait, quittait cette pièce où vivait son ennemi, cessait de respirer le même air que lui. Quelle délivrance ! Quand un regard sur sa mère lui fit voir le danger. Quitter ainsi le salon, c’était éveiller les soupçons peut-être déjà bien proches ! Pour l’amour de celle-ci, pour son repos sacré, il fallait subir l’horreur de quitter autrement celui-ci. Et il n’était qu’un moyen, un seul. Elle regarda sa main. Un peu comme lady Macbeth regarda la sienne, mais c’est tout à l’heure qu’elle allait être tachée. Oui, il le fallait.

Elle alla vers lui, la main tendue, la lui laissa prendre, serrer, et il la broya, et partit sans un mot prononcé, car, cela, elle ne le pouvait pas.

Une fois dans sa chambre, elle se jeta sur son lit, craignant encore de tomber. Alors, à travers cette espèce d’hébétude où la jetait l’horreur de ce qu’elle venait d’endurer, elle entendit tous les bruits de la maison qui rythmaient en ce moment sa tragédie : des portes qui s’ouvrent et se ferment, des paroles qui montent du dehors, et puis un pas fort, un pas d’homme, cette chose toujours émouvante pour une femme sensible, qui résonne sur le chemin, décroît et se confond enfin avec la vibration de la barrière refermée.