Page:Maurice Denis Théories (1890-1910)-1920.djvu/106

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
92
les élèves d’ingres

il cause même de sa perfection des germes de décadence — l’enseignement de M.  Ingres, au contraire, remontait aux sources de l’antiquité grecque, aux origines de la peinture italienne et y retrouvait les principes éternels de notre goût occidental. Réagissant contre la froideur et les conventions académiques de l’école de David, les Romantiques substituaient. sous prétexte de retour à la nature, le tableau dramatique au tableau mythologique. M.  Ingres ne devait rien à la peinture de genre ni au choix des sujets : on appréciait surtout de lui des portraits et des scènes historiques où la nature était scrupuleusement et logiquement exprimée.

Il apportait donc avec des qualités vraiment françaises de précision et de clarté un double idéal de vérité et de beauté. Les jeunes gens étaient préoccupés à la fois de l’Idéal et de la Nature ! lui, conciliait le Style selon les Grecs et la sincérité, la naïveté des Primitifs. Qu’il l’ait ou non voulu, la généralité des modèles qu’il proposait, devait élargir l’étroitesse apparente de sa doctrine jusqu’à favoriser le plus vivace renouvellement des arts plastiques et particulièrement de la peinture décorative.

Comment s’était formée la conscience de M.  Ingres, il n’est pas inutile de le préciser par quelques faits et quelques dates.

Charles Blanc prétend à tort qu’avant 1820 on ignorait les Grecs. Nous savons par Délécluze (David, son école et son temps) quelle fut la fermentation intellectuelle à l’atelier de David. En commençant les Sabines, David avait déclaré qu’il ferait plus grec que les Horaces (il les trouvait, disait-il, d’art anatomique), et il s’entoura de modèles achaïques. Ceux de ses élèves qu’on appelait les Penseurs, les Primitifs ou les Barbus de 1800, ne voulaient conserver de l’antiquité que les vases et quelques statues ; ils souhaitaient brûler le reste comme rococo et pompadour ; ces jeunes gens s’habillaient en héros de l’Iliade, ne pariaient, que d’Homère et d’Ossian, mais aussi de la Bible ; et l’un d’eux Maurice Quaï, ami de Nodier, fit à l’atelier une défense de Jésus-Christ et de l’Évangile qu’approuvèrent vivement quelques élèves lyonnais.

C’est vers le même temps qu’on connut mieux à Paris, par l’expédition de Bonaparte, les merveilles de l’ancienne