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les élèves d’ingres

musée Napoléon et faisait mouler les bas-reliefs du Parthénon peu de temps avant le voyage de Lord Elgin ; pendant que les Allemands découvraient les frontons d’Égine (1811), et les marbres de Phygalie (1812) — Alexandre Lenoir poursuivait la publication commencée en 1800 du Musée des Monuments français, et enrichissait nos collections des débris de notre art national. Emeric David s’efforçait de « détruire l’erreur qui a fait croire que la peinture avait presque cessé dans le Moyen-Age ». Une réaction chrétienne se produisait partout contre le classicisme de Winckelmann et de David. C’est Gœthe qui a le premier admiré les cathédrales, celle de Strasbourg du moins. La vieille école de Nuremberg et Albert Dürer n’étaient plus ignorés ou totalement méconnus depuis les recherches de Valckenrœder et son ouvrage intitulé les Épanchements de cœur d’un moine ami des arts (1797). MM. Overbeck, Pforr et Vogel, expulsés comme indépendants, de l’école de Düsseldorf, arrivaient à Rome en 1810, et fondaient au couvent San Isidoro une sorte d’atelier monastique : c’étaient les Peintres de l’Âme, les Préraphaélites, les Nazaréens, épris avant tout de l’idéal catholique et de ces fresques du Quattrocento, qu’on admire si universellement aujourd’hui, mais qu’on flétrissait alors de la qualification méprisante de « gothique ». Or, en passant à Florence et à Pise, en 1806, M.  Ingres avait déjà copié des giottesques, et avec quel enthousiasme ! Il achetait des petits tableaux de l’école de Fra Angelico, il dessinait dans les cloîtres, à Assise, à Pérouse, à Spoiète.

Aussi, dès ses premières expositions, les critiques lui reprochaient « cette fantaisie extraordinaire de remettre à la mode la manière de peindre des siècles passés » (Boutard) et « de chercher, dans un genre non moins détestable qu’il est gothique, à faire rétrograder l’art de quatre siècles, à nous reporter à son enfance, à ressusciter la manière de Jean de Bruges » (Pausanias français, 1800). L’attitude de l’Empereur, il l’avait « prise, ainsi que le reste, dans quelque médaille gothique ». En 1819, il est encore pour M. de Kératry « ce jeune artiste (39 ans) qui se donne beaucoup de peine pour gâter un beau talent », « qui voudrait nous ramener à l’enfance de l’art, dont les peintures semblent