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les élèves d’ingres

Ses élèves ont accentué cet enseignement, chacun suivant son propre tempérament, dans les sens les plus divers : décoratif, catholique, philosophique, gothique, littéraire, néo-grec, naturaliste. Quelques-uns l’ont compris mieux que le maître lui-même. Amaury-Duval raconte à ce propos l’anecdote typique du peintre Granger soutenant à M. Ingres, qui en écumait, que l’Œdipe était idéalisé, alors que M. Ingres prétendait n’avoir fait que copier la nature. Il s’étonne, à ce sujet, et rétrospectivement, du manque de logique de M. Ingres. Il croyait, dit-il, nous faire copier la nature en nous la faisant copier comme il la voyait. La plupart ont accepté le conseil sans en dégager aussi nettement le principe. Amaury-Duval, esprit philosophique, en a tiré une théorie intégrale de la déformation subjective. Tout le passage est à relire ; en rappelant le reproche qu’on faisait à l’Odalisque Pourtalès (maintenant au Louvre) d’avoir trois vertèbres de trop, il concluait : dans des proportions exactes, aurait-elle un attrait aussi puissant ? C’est le lieu de citer le mot d’Odilon Redon, devant le Paolo de la Francesca qui l’enlace d’un mouvement hardi et géométrique de crabe saisissant sa proie : Mais c’est Ingres qui a fait des monstres !

N’importe. Il est remarquable qu’enseignant la Nature et son propre Idéal, il ait pu former des élèves capables à leur tour, tout en croyant copier, de créer des poèmes de naïveté, d’austérité, de grandeur ou d’emphase, — Janmot, Flandrin, Mottez ou Signol, — au lieu de se contenter de transcrire le modèle et de le faire entrer tel quel dans l’économie de leurs compositions, — procédé en vérité facile, trop familier aux médiocres qui les ont suivis.

III

l’apport de l’école d’ingres — théories et résultats

Il est nécessaire, pour limiter cette étude, de ne considérer comme Élèves d’Ingres que ceux qui ont le plus directement subi son empreinte, compris sa pensée, et produit, à l’époque où il les influençait, des ouvrages importants :