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les élèves d’ingres

juste enthousiasme pour les monuments retrouvés, archaïsaient par principe et par goût. L’habitude des restaurations affaiblit l’énergie créatrice. Le type le plus complet de ce genre de travail est l’église de Sainte-Clotilde : il s’en faut qu’elle soit sans intérêt, et que telle statue de M. Guillaume ou tel tympan d’Oudiné, pour primitifs qu’ils veulent paraître, soient dénués de saveur et d’originalité. On appliquait savamment au monument neuf, à l’édifice en construction les recettes apprises autour des cathédrales.

C’est dans le même esprit qu’ont été faites les restaurations de fresques et de vitraux, et ces admirables reconstitutions que sont, par exemple, les porches de Notre-Dame de Paris et de Vézelay, ou ce délicieux meneau de la porte principale de la cathédrale d’Autun (Saint Lazare et ses sœurs). Faut-il se plaindre qu’un Bianchi, plutôt que les laisser périr, ait ajouté un peu de la froideur de Flandrin aux fresques de Giotto à Santa Croce ?

Incidemment la question se pose : faut-il restaurer ? Maintenant que les Musées, les sociétés d’amis des monuments, les catalogues et les archéologues ont tari ou à peu près notre faculté créatrice, faut-il faire l’éloge du vandalisme ? Nos pères, au xviie et au xviiie siècles, se croyaient permis d’ajouter, dans le goût de leur temps, des ornements, des autels, des transepts, des façades aux vieilles nefs des cathédrales. Une verrière tombait en ruines : ils la remplaçaient sans scrupules, ou simplement la consolidaient de plombs quelconques, au hasard des cassures. Leur style à eux, croyaient-ils, était toujours préférable aux styles du passé. Cette illusion féconde nous manque, définitivement. Nous n’osons plus même restaurer. Nous étiquetons, nous hospitalisons pieusement les débris des époques évanouies ; nos musées ne sont plus que des refuges d’éclopés, des asiles d’Invalides, des collections de documents cliniques à l’usage des savants. Si les Viollet-le-Duc n’avaient complété des ruines, rétabli des ensembles, quelle idée nous ferions-nous du Moyen-Age ? Et si plus anciennement les artistes de la Renaissance n’avaient restitué pour le Vatican et le Louvre les statues morcelées, notre goût pour l’antiquité classique serait-il aussi passionné ? Les bas-reliefs trouvés récemment