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les élèves d’ingres

contribuent à préciser ce talent délicat. Novateur en 1837 lorsqu’il peignait la Femme verte, portrait qui fit scandale ; écrivain charmant, causeur ingénieux ; homme de goût avisé qui sut admirer à la fois Ingres et Delacroix et plus tard deviner la valeur de G. Moreau et de Puvis de Chavannes ; décorateur de premier ordre, Amaury-Duval ne mérite-t-il pas mieux que l’indifférence et l’oubli ?

On disait, dans son entourage, de son ami

STURLER


qu’il aurait été un peintre parfait si à ses dons de composition il avait joint le dessin d’Amaury. On vantait ses audaces et son originalité. Par amour des Primitifs il se fixa à Florence et l’habita pendant une partie de sa vie. Que restet-il de Sttürler ? On s’en inquiète quand on connaît ses trois cahiers de dessin pour illustrer la Divine Comédie (1859) : œuvre bizarre où les supplices de l’enfer et les rondes d’anges sont dessinés avec une naïveté sans fraîcheur, une monotonie d imagination fastidieuse : mais quelle volonté partout ! Oserais-je dire que dans le genre Walter Crâne ou Grasset ceci est supérieur ?

Victor MOTTEZ


Mottez, le fort Mottez, au dessin robuste et large, nous a été révélé à la Centennale de 1900 par un pur chef-d’œuvre, le portrait de sa femme peint sur un mur d’atelier à Rome, et enlevé par l’« ordre » de M. Ingres[1]. C’est, je crois, à M. Roger Marx que nous devons de connaître cette belle chose : M. Henri Mottez l’a depuis donnée au Musée du Luxembourg. Un morceau de cette valeur n’est pas isolé dans l’œuvre de Mottez. Le portrait de Mme  Armand Bertin est d’une grande beauté classique, quelque chose comme un Delaunay excellent ; celui de Mme  Edouard Bertin, en robe blanche et châle noir sur un fond de paysage très vrai, appelle la comparaison avec certaines œuvres, les meilleures, de Legros ; le portrait de Guizot est d’une noblesse,

  1. M. Ingres disait C’est aussi beau qu’André del Sarto.