Page:Maurice Joly - La Question brulante - H Dumineray editeur, 1861.djvu/19

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n’a rien et que la bourgeoisie possède, qu’il vit de son travail quotidien et que la bourgeoisie est émancipée du labeur, qu’elle est parvenue et que lui cherche à parvenir ; — que ceux qui sont parvenus ne se confondent pas avec ceux qui parviendront ; une nouvelle génération se lève, l’avenir de la France n’est pas devant elle, il est derrière. — Oui, le peuple est distinct de la bourgeoisie ; il en doit être ainsi peut-être, n’en déplaise à ceux qui rêvent une nation identique dans toutes ses parties, dont les individus sont tous pareils comme des mouches. La force d’un pays est peut-être dans la variété de ses éléments politiques. Je ne veux pas insister sur ce point, mais qu’on y prenne garde, la confusion de toutes les classes prépare la confusion de tous les droits et de toutes les libertés.


J’ai indiqué brièvement quels étaient la force et l’esprit public de la bourgeoisie, parlerai-je du peuple ? Je le dois pour aller jusqu’au bout.


Le peuple en France, malgré ses qualités supérieures, n’a pas non plus d’esprit public, n’a pas non plus d’opinion ; je n’appelle pas une opinion ces idées funestes puisées dès l’enfance dans les déplorables égarements du philosophisme ; je n’appelle pas une opinion ce mépris du catholicisme, cette haine du clergé, qui est sa seule profession de foi, ou, si c’en est une, ce n’est pas celle qui le conduira jamais à rien de grand ni de juste ; ce peuple, qui n’a plus de croyance, qui n’a plus de religion, auquel on a arraché ce qui soutient et ce qui console dans les dures épreuves de la vie, a-t-il au moins quelques idées droites et fermes en matière politique ? on a pu le voir en 48. De vagues déclamateurs, des hommes plus ignorants encore que malfaisants, l’ont égaré et joué comme un enfant ; ces insensés voulaient refaire la société comme on refond un bloc d’argile, et le peuple croyait cela possible ; il croyait à l’organisation du travail, il croyait à l’égalité