Page:Maurice Joly - La Question brulante - H Dumineray editeur, 1861.djvu/25

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pièce, c’est magnifique, il y court. Ainsi du reste. Que je sois démenti par les quinze ou vingt journaux qui battent monnaie de la réclame quotidienne, et ce qu’il y a de plus fort, le public est trompé, dupé, on se rit de lui en face il croit, il croit toujours ; il lui suffit que les choses soient imprimées, sa déconvenue de la veille ne lui dessille pas les yeux le lendemain.

La France, dit-on, a besoin de liberté, je le crois autant qu’homme du monde, mais il pourra se passer quelque temps encore avant qu’elle n’en comprenne les conditions ; un peuple est libre quand il a des convictions, des principes et qu’il sait se diriger lui-même : en est-il ainsi chez nous ? La masse du public a été constamment liguée contre la liberté, elle lui a fait constamment la guerre depuis trente ans. Qui donc en effet a constamment sollicité l’intervention de l’État ? — En 1837, 38, 52, 56, quand l’agiotage s’était emparé de l’esprit public et que les actionnaires de prétendues entreprises industrielles, étaient détroussés par la plus audacieuse friponnerie qui ait jamais vu le soleil, qu’avait à faire le public pour échapper aux bandits de la Bourse ? Ne plus jouer sans doute, s’abstenir de prendre des actions qui n’étaient que des chiffons de papier ? Pas du tout, le public ne cessait pas son métier de dupe, il préférait demander des lois restrictives, il préférait appeler la législature à son secours au lieu de se sauver lui-même. Rien ne fut jamais plus extraordinaire que des gens que l’on volait et qui appelaient les gendarmes en restant en commerce avec les voleurs ; les plus éminents jurisconsultes disaient au public : mais, ne demandez donc pas de lois, tenez-vous en paix, méfiez-vous et faites vos affaires sans l’empire d’une législation qui est favorable au commerce. Le public ne cessait de crier : une loi, une loi ! Le gouvernement fit comme Ponce Pilate, il leur fit faire une loi et se lava les mains.

Voilà comment en France on apprend à se passer du gouvernement et à faire ses affaires soi-même ; j’ai cité cet exemple