Page:Maurice Joly - La Question brulante - H Dumineray editeur, 1861.djvu/9

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Il n’est pas inutile d’avertir le lecteur que ce n’est pas sans peine que cette brochure voit le jour. Ne voulant faire entendre que quelques paroles libres et convaincues, l’auteur n’estimait pas que ce mince opuscule valût la peine d’être signé. Deux éditeurs lui ont refusé leur concours, trouvant cette publication trop forte, c’est là leur expression, pour en assumer la responsabilité. Ceci nous a paru étrange : Le ciseau de la censure ne tombe-t-il des mains du gouvernement que pour se retrouver dans celles de l’éditeur ? C’était bien des scrupules, à ce qu’il semble : Quand chaque jour on imprime impunément des écrits qui attaquent presque ouvertement la religion de l’État, la morale et le droit publics on n’est pas trop fort ; quand on demande à grands cris la chute du souverain Pontife ; quand on appelle le schisme au sein de l’Église française, on n’est pas trop fort ; quand on jette chaque jour sur la place de petits livres qui spéculent sur la curiosité la plus honteuse, on n’est pas trop fort : mais qu’une voix un peu passionnée s’élève pour faire entendre quelques vérités à ce même public comblé de tant de platitudes, la mesure est dépassée : on est trop fort.

L’importance de cette observation n’échappera pas aux hommes clairvoyants de cette époque. En quoi donc consiste la morale publique, comment entendons-nous la liberté, et que signifierait le décret du 24 novembre, si des écrits tels que ceux-ci pouvaient redouter la censure ? Le public appréciera.