Page:Maurice Joly - Les Affames - E Dentu Editeur - 1876.djvu/154

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Sachant bien que Georges Raymond était aux prises avec des difficultés matérielles qui le rendraient très coulant sur toutes choses, elle s’était empressée de lui faire faire délivrance de son legs de vingt-cinq mille francs, sur lesquels il devait se jeter comme un poisson affamé sur l’appât.

Malgré la perspective d’une plaidoirie pro domo sua, que d’Havrecourt venait d’ouvrir à Georges Raymond, le jeune avocat restait pensif et attristé.

— Ah ça, veux-tu le faire empailler ton oncle ? dis-le tout de suite.

— Ce n’est pas à lui que je songe en ce moment, répondit Georges ; mais à mon pauvre père, si affreusement mort depuis moins de six mois.

— Allons, allons, cher ami, pas d’idées noires, ce n’est pas le moment ; je viens te chercher d’abord pour dîner, ensuite pour danser, après pour souper et même pour d’autres choses consécutives, le tout dans un monde de biches du plus haut parage et du plus grand chic. En un mot, je te mène chez la vicomtesse de Saint-Morris, où tu feras des connaissances utiles et agréables. Tu vas t’habiller devant moi ; je veillerai à ce que ta toilette soit irréprochable pour faire honneur à ton ami.

Georges Raymond se laissa faire. La vieille Michel soupira et se mit en mesure de préparer les meilleurs effets de son maître, tandis que la gaieté la plus vive renaissait entre les deux jeunes gens.