Page:Maurice Joly - Les Affames - E Dentu Editeur - 1876.djvu/157

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quelques heures auparavant sous le poids du découragement et de la pauvreté !

La diversion opérée sur son esprit avait été si vive qu’il n’avait plus songé à raconter à Hector la visite de Doubledent. Quand cette pensée lui était revenue, il l’avait écartée comme inopportune et il avait ajourné cette conversation à un autre moment.

— N’ayant pas été invité, je vais avoir l’air d’un intrus chez ta vicomtesse, dit-il à Hector en descendant de voiture.

— Invité par moi, mon cher, dit le beau vicomte, c’est à peu près comme si elle t’avait invité personnellement.

— Ah ! très bien ! dit Georges en riant, tu es de la maison.

— J’y ai quelque influence seulement, répondit d’Havrecourt qui était dans un léger état d’ébriété, ce qui le rendait plus expansif que d’habitude.

— Pourvu que j’aie de l’aplomb pour mon début, se disait Georges un peu troublé en montant l’escalier chargé de fleurs qui conduisait aux salons de la vicomtesse. Mais, dès qu’ils furent arrivés dans les antichambres, Hector rencontra tant de personnes de connaissance, prodigua tant de poignées de main et de saluts, que Georges finit par être séparé de lui et se trouva tout à coup seul dans la salle de bal.

Le coup d’œil en était charmant. Placée près de la cheminée et entourée de plusieurs jolies femmes étincelantes de parures, Mme  de Saint-Morris faisait les honneurs de chez elle avec une dignité tranquille que faisaient ressortir davantage les empressements dont elle était l’objet de la part de son état-major féminin. Elle pouvait avoir quarante ans ; mais ses formes n’a-