Page:Maurice Joly - Les Affames - E Dentu Editeur - 1876.djvu/165

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ministère en persuadant au gouvernement qu’il entretient des intelligences françaises en Hongrie où il n’est et n’a jamais été que coiffeur.

— Et ce petit monsieur ventru, qui a une tête de vigneron ?

Fonds secrets encore, jouant le rôle de démoc-soc, gémissant pour le pauv’ peup’ dans les faubourgs, prêchant la sociale et rabattant le gibier ouvrier dans les panneaux de la démocratie césarienne.

À ta gauche, une crinière de lion, un puffiste, genre truqueur, qui reste caché six mois de l’année à Batignolles et fait dire pendant ce temps, par les petits journaux, où il a des amis, qu’il tue des tigres au Bengale et entre en vainqueur sur le territoire des Papous.

— Et à quoi bon cette fiction ?

— Tiens, tu es superbe ! et les souscriptions, et les commandites, et les femmes qui raffolent d’un gaillard qui fume sa cigarette au nez des fauves !

— Oh ! vois donc ce monsieur qui porte sa tête en saint-sacrement.

— Chut ! pas un mot ; c’est le prince, c’est Hugues.

— Quel Hugues ? Hugues Capet ?

— Malheureux, c’est toi qui l’as dit, c’est le petit-fils fils de Louis XVI échappé du Temple, sauvé par miracle ; ce sera peut-être un jour notre roi.

— Est-ce une hallucination ou la réalité que tu fais passer sous mes yeux ? dit Georges Raymond cédant enfin à la stupéfaction que lui causait ce défilé de personnages passant devant ses yeux comme au fond d’une lanterne magique. Dans quel monde sommes-nous, grands dieux ?

— Détrompe-toi, cher, le monde que tu vois ici se retrouve à peu près partout, quoique en moins grand