Page:Maurice Joly - Les Affames - E Dentu Editeur - 1876.djvu/208

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

également établi, a donc intérêt et qualité pour faire constater et reconnaître les droits de son débiteur, etc, »

Georges Raymond n’eut pas besoin d’en lire davantage pour tout comprendre. Le mystère de la succession de Karl Elmerich était complètement dévoilé à ses yeux par un de ces hasards singuliers qui s’étaient rencontrés déjà dans sa vie. Mais cette fois il avait joué de bonheur, les dés de la fortune étaient bien tombés. Après avoir retenu avec soin le nom des avoués indiqués sur le placet et l’adresse de Doubledent qui s’y trouvait également, il sortit de l’audience comme un somnambule sans plus songer à l’affaire qu’il avait à plaider.

Il cherchait à comprendre pourquoi Doubledent avait intenté en son propre nom le procès en revendication de la succession de Daniel Bernard, et ce que voulaient dire ces sommes considérables dont Doubledent se prétendait créancier. Or voici quelle était la manœuvre de l’agent d’affaires.

Un mois auparavant, il s’était présenté chez M. de Marcus, tuteur de Mlle de Nerval, pour savoir si des chances de transaction avantageuse pourraient se rencontrer de ce côté-là. Mais M. de Marcus, qui ne connaissait rien de cette ténébreuse affaire ni du passé de Daniel Bernard, n’y crut pas, malgré les preuves que Doubledent lui offrait, et il le congédia avec hauteur, en l’entendant parler d’un million et demi pour prix d’une transaction à intervenir.

Qu’avait fait alors Doubledent ? Il avait lancé une assignation menaçante dans laquelle, se donnant comme créancier de l’héritier véritable qu’il ne voulait pas encore mettre personnellement en cause, il prétendait