Page:Maurice Joly - Les Affames - E Dentu Editeur - 1876.djvu/223

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dernier à voix basse à l’oreille du noble Espagnol.

— Qui peut vous le faire supposer ?

— Excellence, je vaux cent mille francs par an rien que pour mon flair, dit du Clocher en se cambrant sur sa hanche avec mille contorsions gracieuses. Je vois, je sens, je pressens, je devine, j’ai le don de seconde vue.

Le comte de B*** vient de quitter tout à coup sa loge pendant la représentation. J’étais à deux pas de lui, dans l’ombre. Une indisposition subite le forçait à se retirer.

Ces conspirateurs ont des mots, des regards qui ne leur paraissent rien et qui sont des révélations pour un voyant comme moi. En me glissant sur leurs traces, j’ai entendu ces mots : Vous partirez à ma place, et puis ceux-ci : Inutile de m’accompagner, vous reviendrez prendre chez moi ce qui est nécessaire.

— D’où vous concluez ?…

— Qu’il emporte peut-être des dépêches secrètes.

— Où ?…

— Ah ! Excellence, vous m’en demandez trop. Si je puis savoir quelque chose de plus, je vous le dirai.

— Bon !

Pendant que du Clocher et le marquis de Saporta se séparaient pour regagner leur place comme les autres spectateurs, deux personnes assez effarées se croisaient dans le foyer, c’était le secrétaire particulier du ministre de l’intérieur et le chef du cabinet du préfet de police.

— Nous sommes très inquiets, dit ce dernier à l’oreille du secrétaire particulier du ministre, Bosquetti a perdu les traces de l’assassin qui n’est plus à sa place. Il croit qu’il s’est déguisé en laquais et se tient dans le vestibule.