Page:Maurice Joly - Les Affames - E Dentu Editeur - 1876.djvu/289

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toutes les pièces dont nous conservons les minutes ; mais je mets à votre disposition le coffret qui les contenait. C’est peut-être pour vous un souvenir de famille.

» Veuillez agréer, etc. »

Et il y avait au bas la signature du ministre de l’intérieur.

À la lecture de ce sanglant persiflage, le vicomte, quoique atterré, ne perdit pas contenance. Le comte, qui l’observait, prit cette attitude de l’homme énergique que rien n’ébranle pour l’audace du coupable qui a toute honte bue ; et lorsque le vicomte releva la tête, il lut sa condamnation écrite dans les yeux du comte de B***.

— Comment ce coffret est-il tombé entre les mains de la police ? dit le comte d’une voix qui n’admettait pas une seconde d’hésitation.

D’Havrecourt raconta avec une rapidité et une précision mathématiques ce qui lui était arrivé la veille, pendant que le regard du comte restait attaché sur lui avec une intensité terrible.

Quand le vicomte eut fini, un sourire d’incrédulité passa sur les lèvres du vieux gentilhomme.

— Il suffit, monsieur, retirez-vous, dit-il, d’un ton et d’un geste écrasants.

— Monsieur… dit d’Havrecourt frappé au cœur de ce laconisme insultant, qui disait tout, quelle est donc enfin votre pensée ?

— Pas un mot de plus, dit l’impétueux vieillard, éclatant enfin, sortez pour ne jamais remettre le pied dans cette maison. Coupable ou non, imprudent ou criminel, vous n’en êtes pas moins cause du dernier coup qui achève ma vieillesse et déshonore mes cheveux blancs ; voulez-vous me forcer à vous dire qui