Page:Maurice Joly - Les Affames - E Dentu Editeur - 1876.djvu/312

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lâche de venir ainsi m’insulter, parce que vous me voyez seule, et je ne me justifierai en rien ; que voulez-vous de moi ?

— Je vais vous le dire ; asseyez-vous là et écrivez.

Déjà la comtesse avait repris toute son élasticité, et ses yeux brillaient à travers ses larmes comme des étoiles.

— Me voici, monsieur, j’écoute.

— Je dicte : À Monsieur le vicomte d’Havrecourt.

— C’est écrit.

— « Monsieur, je dois à ma conscience de vous déclarer… »

— Après ? dit la comtesse, qui faisait semblant d’écrire et jetait des regards furtifs autour d’elle.

— « … que M. Georges Raymond est totalement innocent de l’infâme trahison dont vous l’avez soupçonné ; c’est moi, malheureuse, aujourd’hui bourrelée de remords, qui, après avoir enlevé ce coffret par surprise, suis allée le livrer à la police !… »

La comtesse fit un sursaut :

— Jamais je récrirai cela ; car c’est un horrible mensonge.

Georges Raymond mit la main dans la poche de son paletot, et lui dit :

— Vous l’écrirez, où je vous… tue sans discussion, sans plus de pitié pour vous que pour une vipère rencontrée au coin d’un bois.

Et il sortit son revolver qu’il cacha derrière son dos.

— Eh bien tirez donc ! dit la comtesse qui croyait encore à une feinte.

Georges Raymond se recula de trois pas : la comtesse entendit le ressort de l’arme à feu que tenait Georges. Elle vit dans ses yeux une expression si exaltée et si