Page:Maurice Joly - Les Affames - E Dentu Editeur - 1876.djvu/353

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placé par Karl ! Et ce qu’il y a de plus étourdissant, c’est cet homme trouvant, au milieu de sa scélératesse, le seul dénoûment honorable qui semblait s’indiquer aux deux parties.

Je songeais à aller casser la tête à ce forban avec mon pistolet ; mais, pour la pensée qu’il a eue de remplacer Hector par Karl, je lui fais grâce.

Et maintenant je n’ai plus rien à faire ici-bas, et je ne souhaite pas de vivre ; car si je sortais vivant de cette lutte, je ne répondrais pas de ne pas devenir aussi féroce que les hommes parmi lesquels j’ai vécu ; j’étais condamné en venant au monde, mais du moins je mourrai dans mon orgueil.

Le lendemain, il se leva à six heures et dit à la veuve Michel, qui s’étonnait de lui voir faire des préparatifs de si grand matin, qu’il s’absentait pour quelques jours.

— Si vous ne me revoyez pas à dix heures, c’est que je serai parti. Vous prendrez dans le tiroir que voici les trois cents francs qui s’y trouvent ; ils seront pour vous : c’est un petit présent que je vous fais pour vos bons services, ma bonne dame Michel.

— Oh ! monsieur, fit en pleurant la malheureuse femme, qui depuis trois jours ne vivait pas en voyant le trouble affreux dans lequel était son maître, vous ne me dites pas la vérité, non, vous ne me la dites pas. Vous ne pouvez rien raconter, je le comprends bien, à une pauvre domestique comme moi… Mais s’il vous arrivait malheur, monsieur, ce n’est pas votre argent qui me consolerait ; je n’aurais pas le cœur de m’en servir.

Georges la rassura en lui disant qu’il allait passer quelque temps dans sa famille (il n’en avait pas !), qu’il écrirait, etc.