Page:Maurice Joly - Recherches sur l'art de parvenir - Amyot éditeur - 1868.djvu/25

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Si donc on s’avisait de chercher ici un conseil, l’auteur commencerait par demander : Quel jeu voulez-vous jouer?

Le hasard tient une si grande place dans la vie qu’à le prendre d’un certain côté il n’y a que du hasard. Vous êtes beau, bien fait, vous portez un nom distingué, vous serez riche, c’est ce qu’on appelle naître avec des atouts dans son jeu ; et l’on en peut dire autant de l’éducation, des manières, des aptitudes et des talents naturels, car c’est encore le hasard qui les donne. Réussir ou échouer sont choses à peu près fatales, car on réussit :

1° Parce qu’on a en soi les qualités qui agissent sur la société et sur les hommes.

2° Parce qu’on est servi par les circonstances, et l’on échoue par les causes contraires.

Les circonstances, ce sont tous les événements, heureux ou malheureux, toutes les occasions de succès qui se présentent dans la vie indépendamment de la volonté.

D’après ce qui précède on peut envisager le hasard du même point de vue que le spiritualisme catholique envisage la grâce sanctifiante : un chrétien quels que soient ses mérites ne peut, dit-on, faire son salut sans le secours de la grâce ; ainsi l’ambitieux ne saurait faire son chemin sans le secours du hasard. Les chances heureuses toutefois sont moins inégalement réparties qu’on ne le suppose en général. L’aptitude à en profiter est ce qui distingue les individus, et c’est par là qu’on rentre dans le bien jouer. Il y