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Page:Maurice Joly - Recherches sur l'art de parvenir - Amyot éditeur - 1868.djvu/38

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qui leur laissent encore tant de jouissances et tant de biens excitent une plus vive sympathie que les plus horribles malheurs du commun des hommes.

Si l’on veut traduire ce sentiment, on trouvera qu’il signifie admiration, passion, enthousiasme pour les gens constitués en dignité, pour les puissants, pour les riches ; mépris, indifférence, éloîgnement, aversion pour les gens sans pouvoir, sans crédit et sans argent. Voilà un sentiment général et profond de la nature humaine sur lequel on peut faire des études variées.

Dans les États monarchiques, le mépris s’étale ouver­tement. Dans les pays démocratiques, ou soi-disant tels, on cache soigneusement son dédain des pauvres pour les empêcher de faire des révolutions ou pour recueillir le profit de celles qu’ils ont faites ou qu’ils feront.

L’analyse des sentiments généraux et de leur influence est une des branches de la politique, non pas de celle qui s’étudie dans les livres, mais de la politique occulte, de la politique qui rapporte.

On ne doit pas s’attendre à trouver ici tout le développement des idées qui sont en germe dans ce chapitre ; la sonde sera seulement jetée ça et là au gré des courants.

La peur en masse est encore un de ces sentiments profonds dont la marque est bien distincte. Les hommes, ceux-là même qui n’ont pas peur individuellement, ont peur en masse ; c’est le caractère