Page:Maurice Joly - Recherches sur l'art de parvenir - Amyot éditeur - 1868.djvu/73

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situations. Quand on dit de quelqu'un qu’il n’a pas de ligne de conduite, cela signifie qu’il n’a pas de plan, pas de système, ou, ce qui est la même chose, qu’il ignore les règles du jeu qu’il joue. Ces gens-là comptent dans la vie comme des zéros à la droite d’un nombre.

Le premier principe, le principe par excellence de la ligne de conduite en général, est celui-ci :

Le plus court chemin d’un point à un autre est la ligne courbe.

l'enchaînement des courbes constitue la tactique, c’est le corollaire.

Il n’y a pas de tactique irréprochable. Il en est de ceci comme des fausses manœuvres à la guerre ; chaque faute amènerait une défaite si l’on avait affaire à un adversaire qui les vît toutes et sût en profiter ; mais le plus souvent on lutte avec de non moins malavisés. Il y a autant d’impéritie d’un côté que de l’autre, et c’est le moins maladroit ou le plus heureux qui l’emporte.

Il reste à faire remarquer que l’art de parvenir crée à lui seul une véritable langue dont les termes sont presque exclusivement empruntés à la politique, à l’art militaire et à la diplomatie[1]. C’est que l’art de parvenir n’est lui-même qu’une généralisation de tous ces arts. Chaque individu en particulier a droit d’alliance de paix et de guerre, et ne pro-

  1. On pourrait encore ajouter : à la navigation, à la chasse et aux jeux.