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Page:Maurice Joly - Son passe, son programme par lui meme - 1870.djvu/18

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tâcher d’être sérieux. Je ne crois pas au bruit, mais le bruit se confirme.

Pendant ce temps, des articles empoisonnés paraissent dans quelques journaux de Paris. J’ai été secrétaire de la princesse Mathilde, — toujours ! — j’ai écrit il y a dix ans une brochure empreinte de cléricalisme, — j’ai écrit à Sainte-Pélagie un livre démoralisant sur le savoir faire, etc.

Tous les scorpions, tous les impuissants, tous les fruits secs font croisade contre moi. Je me sens lâché (pardon du mot} de divers côtés, Je veux savoir le fond du sac, je presse, j’interroge. Enfin on me montre des lettres de Grévy disant : que j’abusais de son nom, que j’usurpais son patronage et qu’il me désavouait comme indigne de la candidature dans la 3e circonscription !

Je lus cela signé Grévy. — Que ceux qui connaissent mon tempérament se figurent si je dus bondir sous l’outrage, mais le tour était joué ; dans tous les comités, les affidés de Grévy m’avaient sapé, miné, vilipendé. Les Dôlois, las de lutter contre le torrent, m’abandonnèrent.

Je me moquais de la candidature, puisque ne voulant pas prêter serment, je ne pouvais arriver à la Chambre, mais j’étais frappé au visage ; ma candidature vidait les arçons ; et notez ceci, M. Grévy qui avait déclaré ne pas vouloir être le grand électeur du jura, proclamait M. Gagneur « son candidat, » le candidat officiel de l’empereur Grévy ! Et puis dans le journal aussi officiel de Grévy, les seuls candidats indiqués étaient ceux de Grévy ; — pas un mot, pas un traître mot, pas un pauvre petit mot de moi dans le journal Gréviste[1].

Qu’on dise, je le demande, si les préfets de l’empire savaient mieux faire contre les candidats républicains ?

Je retournai à Paris comme la foudre après avoir vu M. Tamisier, homme de cœur qui fut bon pour moi et à qui je tends d’ici une main qu’il ne me refusera pas, je le sais. Je me fis précéder par une lettre dans laquelle je reprochais d’une manière sanglante à Grévy sa mauvaise conduite, son manque de parole, l’étroitesse et la personnalité de ses calculs, l’outrage qu’il m’avait cloué sur le front en écrivant que j’avais usurpé son patronage, moi qui n’ai jamais su être le protégé de

  1. Et cela était d’autant plus fort que pendant deux mois et demi j’avais aidé à fonder le journal (le Jura), par une collaboration assidue. J’avais écrit pour ce journal sans rémunération, bien entendu, le Dialogue sur les Impôts, travail écrasant qui m’avait obligé d’étudier la nuit et le jour la matière si affreusement compliquée des Impôts ; au moyen d’un dialogue entre un candidat officiel et un candidat de l’opposition, j’avais exposé la théorie des impôts en France et la thèse du candidat de l’opposition, concluait comme réforme pratique, avec arguments à l’appui à la réduction de la moitié des taxes directes et indirectes.