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Page:Maurice Leblanc (extrait L’homme à la peau de bique), 1999.djvu/15

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devant la cage, Arsène Lupin, qui, sans aucun doute, cherchait à résoudre cet intéressant problème. Tout de suite, je lui dis — car la chose me tenait à cœur :

— Vous savez, Lupin… eh bien, votre intervention dans cette affaire, votre démonstration, votre lettre enfin ne m’a pas épaté.

— Ah ! fit-il tranquillement, et pourquoi ?

— Pourquoi ? parce que l’aventure s’est déjà produite, il y a soixante-dix ou quatre-vingts ans. Edgar Poe en a fait le sujet d’un de ses plus beaux contes. Dans ces conditions, le mot de l’énigme se trouvait aisément.

Arsène Lupin me prit le bras et m’entraîna :

— Quand donc, dit-il, l’avez-vous deviné, vous ?

Je confessai :

— En lisant votre lettre.

— Et à quel endroit de ma lettre ?

— Vers la fin.

— Vers la fin, n’est-ce pas ? après que j’eus mis les points sur les i. Ainsi donc, voilà un crime que le hasard répète, dans des circonstances tout à fait différentes évidemment, mais pourtant avec la même sorte de héros, et, à vous comme aux autres, du reste, il a fallu qu’on ouvrît les yeux. Il a fallu le secours de ma lettre, de cette lettre où je me suis amusé — j’y étais d’ailleurs contraint par les faits — à employer la démonstration, quelquefois même les termes dont s’est servi le grand poète américain. Vous voyez bien que ma lettre n’était pas absolument inutile, et que l’on peut se permettre de redire aux gens ce qu’ils n’ont appris que pour l’oublier.

Sur quoi Lupin se retourna et pouffa de rire au nez du vieux singe qui méditait avec l’air grave d’un philosophe…