défilé. Étranglée entre les roches et la Butte-aux-Romains, la masse d’eau avait monté jusqu’à mi-hauteur de la falaise, contournait à moitié la Butte, et s’agitait dans cette cuve d’où elle ne pouvait s’échapper que par une étroite issue qui la laissait tomber en une mince cascade sur la prairie des trois saules.
Et d’autres masses montaient à l’assaut, poussées par le vent et enflées par les rafales de pluie que jetaient comme des paquets les nuages affolés.
Béchoux et les deux sœurs se pressaient autour de Raoul et regardaient comme lui. Il murmurait des phrases courtes où sa pensée s’exprimait par bribes.
« C’est bien cela, c’est bien ce que je supposais. Si les événements continuent selon mon hypothèse, tout s’expliquera. Et cela ne peut pas être autrement… S’il en était autrement, il n’y aurait plus de logique. »
Une demi-heure s’écoula. Au loin, sur la Seine, dont on apercevait la courbe immense, la grande bataille s’éloignait, entraînant son escorte de tempête et d’averses, et laissant derrière elle un fleuve élargi, secoué de frissons, mais dont la ruée devenait moins rapide.
Une demi-heure encore. La rivière, elle, s’apaisait plus vite. Elle s’immobilisait sous l’offensive, timide encore, de la source qui cherchait à reprendre son cours normal. Presque encerclée, la Butte-aux-Romains se vidait de l’eau qui l’avait envahie et ruisselait par cent rigoles qui glissaient le long de sa terre gazonnée et entre les fentes de ses fondations. Vivement le niveau baissa, l’Aurelle accéléra son allure, comme aspirée de nouveau par le fleuve où elle allait se perdre.
Et tout reprit son aspect quotidien. La pluie avait cessé.