Page:Maurice Leblanc - La Barre-y-va.djvu/168

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s’oublièrent, sans doute à cause de la rareté du fait. Mais le fait lui-même persista et nous en fûmes témoins aujourd’hui. »

Béchoux semblait convaincu. Il prononça :

« Je t’ai demandé de préciser : tu as précisé. Je te demande maintenant de conclure.

— Je conclus, Théodore. Tu viens de voir à quel point comptent les désignations, surtout dans les campagnes où les noms d’un lieu, d’une colline, d’un cours d’eau, tirent toujours leur origine d’une cause réelle et se perpétuent bien au-delà du temps où cette cause est oubliée. C’est cette règle invariable qui, dès les premiers jours, a porté mon attention sur la Butte-aux-Romains. Et c’est pourquoi, dès les premiers jours, j’ai examiné la formation de cette butte. Tout de suite, j’y ai reconnu ce que les Romains appelaient un tumulus. Ce n’était pas une butte naturelle, mais un amas artificiel en forme de tronc de cône, avec un soubassement de moellons et des assises alternatives de terre et de pierres. Cela servait, en général, de sépulture, et, au centre, des chambres funéraires y étaient pratiquées. Mais on en usait aussi pour y cacher des armes, ou des coffres d’argenterie, et de l’or. Avec les siècles, notre tumulus s’était tassé, et sans doute écroulé à l’intérieur. Une épaisse végétation le recouvrait et, de son passé, il ne restait apparemment que ce nom de Butte-aux-Romains. N’importe ! toujours mon attention demeurait en éveil.

« Et c’est peut-être à ce propos que germa en moi l’idée d’un trésor, idée qui s’amalgama avec celles des fuites de métal précieux qui pouvaient se produire. La conformation du tumulus, entouré aux trois quarts par une courbe de la rivière, donnait de la force à mon hypothèse. Et vous avez vu tantôt avec quelle précipitation j’ai cherché à la vérifier. J’avais vu juste. L’eau montait, formait,