comme on l’appelait. Elle s’éleva et s’instruisit tant bien que mal, libre de toute entrave, un peu fantasque, exubérante et rêveuse, passionnée d’exercice et de lecture, ne se plaisant qu’à la Barre-y-va, se jetant à la nage dans l’eau glacée de l’Aurelle, pour se sécher dans l’herbe, les jambes en l’air, contre un vieux pommier. Son grand-père l’aimait beaucoup, mais, bizarre, taciturne, ne s’occupait que de sciences occultes, de chimie, et même d’alchimie, disait-on. Tu me suis bien ?
— Parbleu !
— Or, il y a vingt mois, à la fin de septembre, le soir du jour où ils avaient quitté la Normandie après leur séjour ordinaire, le grand-père Montessieux mourut subitement dans son appartement de Paris. L’aînée, Bertrande, se trouvait à Bordeaux avec son mari. Elle revint précipitamment, et les deux sœurs vécurent ensemble. Le grand-père avait laissé moins de fortune qu’on ne croyait, et aucun testament. Quant au domaine de la Barre-y-va, on l’abandonna. Les grilles et les portails du manoir étaient fermés à clef. Personne n’y pénétra plus.
— Personne, dit Béchoux.
— C’est cette année seulement que les deux sœurs résolurent d’y passer l’été. M. Guercin, le mari de Bertrande, revenu en France, puis reparti, puis revenu, devait les rejoindre. Elles emmenèrent M. Arnold et une femme de chambre-cuisinière, qui était au service de Bertrande depuis plusieurs années. Au village, elles engagèrent provisoirement deux fillettes du pays, et tout le monde se mit à travailler, pour mettre le manoir en ordre et nettoyer le jardin, qui était devenu un véritable Paradou. Voilà, mon vieux. Nous sommes toujours d’accord ? »
Béchoux avait écouté Raoul d’un air stupide. Il reconnaissait la substance même des renseigne-