Page:Maurice Leblanc - La Barre-y-va.djvu/31

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peu près inutilisé, qui conduit au pont, et pose le pied sur la première planche du sommier. Essai méfiant, à tâtons, avec une main qui se cramponne à la rampe branlante. Puis la tentative se poursuit, plus rapide, et voilà M. Guercin dans l’île. C’est alors seulement que le but de cette expédition m’apparaît, M. Guercin va droit à la porte du pigeonnier.

— Nous pourrions nous en approcher ? fit remarquer M. Vertillet.

— Non, non, s’écria vivement Béchoux. Nous devons voir le drame d’ici. Vous devez, monsieur le juge d’instruction, vous le représenter tel que je le vis, de la même place, et sous le même angle visuel. Sous le même angle visuel, répéta-t-il, très fier de son expression. Et je dois dire en outre que je n’étais pas, que je ne fus pas le seul témoin du drame. M. Arnold, qui avait fini de déjeuner, fumait une cigarette, debout sur cette même terrasse où nous nous trouvons et devant la cuisine, c’est-à-dire comme vous pouvez vous en assurer, à vingt mètres à notre droite. Et lui aussi, il suit des yeux M. Guercin. La situation est bien nette dans votre esprit, monsieur le juge d’instruction ?

— Continuez, monsieur Béchoux. »

Béchoux continua :

« Par terre, comme sur tout le sol de l’île, il y a des ronces, des orties, tout un emmêlement de plantes rampantes qui entravent la marche, et j’ai tout le temps de me demander pourquoi M. Guercin se dirige vers le pigeonnier. Nulle raison pour que Mlle Catherine s’y soit réfugiée. Alors ? La curiosité ? Un besoin de se rendre compte ? Toujours est-il que M. Guercin est à quatre pas, à trois pas de la porte. Vous la voyez distinctement cette porte, n’est-ce pas ? Elle est face à nous, basse, en forme de voûte, pratiquée dans le soubassement de gros moellons sur lequel s’appuie le mur