Page:Maurice Leblanc - La Barre-y-va.djvu/59

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« Les voici tous les trois. Ai-je vraiment pu me tromper ? Ici, on est en contrebas. Presque pas de vue. L’œil se heurte aux roches ou à la Butte-aux-Romains. À peine une petite éclaircie vers le tertre. Oserez-vous dire que ma mémoire eût conservé le souvenir absolument net de l’autre emplacement, alors que les trois arbres se trouvaient ici, dans un endroit que je connaissais bien, et où ils n’étaient pas quand je venais me baigner ?

— Pourquoi, demanda Raoul, sans lui répondre directement, pourquoi me posez-vous cette question ? J’ai l’impression que vous le faites avec une certaine anxiété ?

— Mais non, mais non, dit-elle d’un ton véhément.

— Si. Je le sens. Et vous vous êtes informée ? Vous avez interrogé d’autres personnes ?

— Oui, sans en avoir l’air parce que je ne voulais pas laisser paraître mon trouble. Ma sœur d’abord. Mais elle ne se souvenait pas, ayant quitté la Barre-y-va depuis plus longtemps que moi. Cependant…

— Cependant ?

— Elle croyait se rappeler que les arbres se trouvaient bien où ils se trouvent aujourd’hui.

— Et Arnold ?

— Arnold, lui, me fit une réponse différente. Il n’affirmait rien, quoique l’emplacement actuel ne lui parût pas le véritable.

— Et vous n’avez pas eu l’occasion d’invoquer un autre témoignage ?

— Si, dit-elle, après une hésitation, celui d’une vieille femme qui avait travaillé dans le jardin quand j’étais enfant.

— La mère Vauchel ? » fit Raoul.

Catherine s’écria, soudain, tout agitée :

« Vous la connaissez donc ?

— Je l’ai rencontrée. Et je me rends compte