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Page:Maurice Leblanc - La Barre-y-va.djvu/67

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— Mais, dit Raoul, il doit y avoir eu un fait plus spécial qui détermina votre visite ?

— Oui, dit-elle. En attendant Pierre dans le bois, je fus abordée par la mère Vauchel. Elle était plus agitée encore que d’ordinaire, et son apostrophe fut plus violente, plus précise à mon endroit. Elle me prit par le bras, me secoua et me dit, avec une méchanceté que je ne lui connaissais pas, et comme si elle voulait se venger sur moi de la mort de son fils :

« — Trois “chaules”, ma belle demoiselle… C’est à vous qu’il en a, le monsieur… et il vous tuera… Prenez garde, il vous tuera… il vous tuera… »

« Elle se sauva en ricanant. Moi, je perdis la tête. J’errai dans la campagne et, vers cinq heures du soir, j’étais à Lillebonne. Un train partait. Je sautai dedans.

— Ainsi, demanda Raoul, quand vous avez pris le train, M. Guercin était assassiné, et vous l’ignoriez ?

— Je ne l’ai su que le soir, chez vous, par le coup de téléphone de Béchoux, et vous vous rappelez combien j’en fus bouleversée. »

Raoul réfléchit, et dit :

« Une dernière question, Catherine. Quand vous avez été attaquée, la nuit, dans votre chambre, rien ne vous a permis d’identifier votre agresseur avec l’individu que vous avez entraperçu, un soir, derrière la cabane de la mère Vauchel ?

— Rien. Je dormais, la fenêtre ouverte, et je n’ai été avertie par aucun bruit. Je me suis sentie prise à la gorge, je me suis débattue, j’ai crié, et l’individu s’est enfui sans que je puisse même voir son ombre dans la nuit. Mais comment ne serait-ce pas le même ? le même qui a tué Dominique Vauchel, et M. Guercin, et qui a voulu me tuer, selon la prédiction de la mère Vauchel ? »

Elle parlait d’une voix altérée. Raoul la regarda doucement.