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Page:Maurice Maeterlinck - L'intelligence des fleurs, 1922.djvu/151

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L’INQUIÉTUDE DE NOTRE MORALE

avec la foi ; au lieu que nous vivons encore dans les monuments élevés par la morale née de cette foi qui se retire. Mais nous sentons que, malgré les soutiens de l’habitude, ces monuments s’entr’ouvrent sur nos têtes, et que déjà en maints endroits, nous nous trouvons sans abri sous un ciel imprévu qui ne donne plus d’ordres. Aussi, assistons-nous à l’élaboration plus ou moins inconsciente et fébrile d’une morale hâtive parce qu’on la sent indispensable, faite de débris recueillis dans le passé, de conclusions empruntées au bon sens ordinaire, de quelques lois entrevues par la science, et enfin de certaines intuitions extrêmes de l’intelligence désorientée, qui revient, par un détour dans un mystère nouveau, à d’anciennes vertus que le bon sens ne suffit pas à étayer. Peut-être est-il curieux de tenter de saisir les principaux réflexes de cette élaboration. L’heure semble sonner où beaucoup se demandent si en continuant de pratiquer une morale haute et noble