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L’ACCIDENT

broyé, agit allègrement contre toute espérance, comme si le doute, l’inquiétude, la peur, le découragement étaient des notions absolument étrangères aux forces primitives qui l’animent. À travers un mur de granit, il n’aperçoit que le salut, pareil à un trou de lumière, et à force de le voir il le crée dans la pierre. Il ne renonce pas à arrêter une montagne qui se précipite. Il écarte un rocher, il s’élance sur un fil de fer, il se faufile entre deux colonnes qui mathématiquement ne pouvaient pas livrer passage. Parmi les arbres il choisit infailliblement le seul qui cédera parce qu’un ver invisible a rongé sa racine. Dans un fouillis de feuilles vaines il découvre l’unique branche forte qui surplombe l’abîme, et dans un chaos de porphyres aigus il semblera qu’il ait dressé par avance le lit de mousses et de fougères qui recevra le corps…

De l’autre côté du péril, la raison stupéfaite, pantelante, incrédule, un peu déconcertée, tourne la tête pour contempler une