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chasses et voyages au congo

qui dévalant de la colline nous a menés à un fond couvert d’herbes et de roseaux, puis nous avons successivement passé par trois marais. Arrivé là, le noir posté en sentinelle m’a signalé quatre éléphants qui circulaient dans la brousse à quelques centaines de mètres et j’ai heureusement deviné que le troupeau de buffles n’avait été qu’un leurre et qu’un appât pour m’amener à tirer de la viande pour le village. Aussi ne me suis-je approché des éléphants que comme question de les regarder, car quand ils sont en bande et que leur nombre dépasse deux ou trois, il n’y en a généralement jamais de très beaux parmi eux. Au bord d’un quatrième marais que je n’avais pas vu d’abord, mais que je soupçonnais, j’arrivais enfin à voir distinctement les éléphants, que les noirs m’avaient signalés ; mais tandis que je les regardais et me convainquais que leurs défenses ne valaient pas le coup de fusil, tout à coup à ma gauche, à environ quatre-vingts mètres j’ai vu émerger des roseaux, un énorme buffle solitaire, qui me regardait de trois quarts de face. Il était couvert y compris les cornes, de plaques de vase brillante et avait l’air féroce à souhait. J’avais heureusement mis dans ma 416 des balles pleines pour l’éléphant, et quand je tirai, sur ma première balle entrée dans la poitrine de face, il a fait demi-tour et est parti au galop ; l’entrevoyant passer a cent vingt mètres, dans un clair de roseaux, j’ai encore en la veine de lui flanquer une deuxième balle en plein corps, sur, quoi il a entièrement disparu de mon horizon visuel. En même temps mes regards étaient attirés par un spectacle inattendu. À trente mètres de moi, ont surgi un à un les quatre éléphants, me contemplant, allant et venant dans le petit marais avant de se décider à partir. Lorsque le dernier eut disparu, je me suis mis à la recherche de mon buffle blessé et je le trouvai raide mort à la place même où je l’avais perdu de vue. Toute la masse de la bête était monstrueuse : on aurait dit un hippopotame mort et la houe grisâtre dont il était couvert complétait cette illusion