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chasses et voyages au congo

s’essuie dans une autre ; ceci est peut-être déjà un effet de la civilisation ?

Le jeune chef a des provisions identiques aux miennes, c’est-à-dire une boite de sardines et du chocolat, et quand il a fini de déjeuner, il donne le reste de ses sardines aux porteurs ; l’un d’eux les flaire, puis refuse d’en manger. Probablement qu’il trouve que cela sent « l’avancé ». Le chef se tord ; et moi-même je me demande si en sommé c’est être civilisé que de préférer comme nous le gibier avancé et le vin pourri, même les conserves, aux produits frais de la nature que les sauvages trouvent sur place… y compris la viande humaine ! Dire qu’il y a trente ans toute cette population en mangeait, alors qu’aujourd’hui elle nous semble plus civilisée que la plupart des peuplades que nous avons eu l’occasion de voir jusqu’ici !

Tandis que nous déjeunons, un vieux nous donne une aubade, et tout en pinçant les cordes de sa mandoline, il chantonne et accompagne son chant de mouvements de tête et de grimaces ; il chante vraiment bien, mais comme toute musique indigène, c’est un rythme sans mélodie, en somme une sorte d’accompagnement sans chant. Tout comme un violoniste fait de son instrument en Europe, il accorde sa mandoline à cinq cordes, en serrant et desserrant les clefs, en tendant et détendant les cordes. J’ai remarqué qu’il manque un doigt à notre chanteur et le chef me confirme ce que j’avais pensé, c’est la lèpre qui le lui a rongé.

Je vois un autre homme qui a la main coupée, et quand, je m’en informe, on me dit que de même, qu’on l’a amputer on l’a châtré, parce qu’il a été pris en flagrant délit, par un mari outragé, et c’est là le châtiment réservé à ceux qui sont convaincus d’adultère. Tout comme les Abyssins qui emploient l’huile bouillante en pareil cas, les Azandés sont impitoyables pour ce genre de faute, car s’ils admettent que la jeune fille est libre de disposer de sa personne comme elle l’entend, ils sont sans pitié pour la femme