Aller au contenu

Page:Maurice Pescatore - Chasses et voyages au Congo, 1932.djvu/72

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
60
chasses et voyages au congo

pendant la journée il s’y élève parfois de véritables tempêtes et les gens du pays qui en connaissent le danger, n’aiment pas s’y risquer. Nous sommes au commencement de la saison des pluies, presque chaque jour un gros orage vient obscurcir l’horizon pendant quelques heures dans l’après-midi : le ciel de bleu qu’il était devient tout à coup noir comme de l’encre, des éclairs scintillent de tous côtés, de grosses gouttes de pluie commencent à tomber, mais cela ne dure pas longtemps, un grand coup de vent chasse le tout, et au bout de quelques minutes le ciel, redevient serein comme si de rien n’était. Pour éviter ce grain toujours possible durant la journée, mais excessivement rare la nuit, nous nous sommes embarqués à 9 heures du soir et avons fait une délicieuse traversée au clair de la lune qui était dans son plein à ce moment ; je n’oublierai jamais le bruit du clapotis des vagues se cassant contre notre pirogue, alors qu’au rythme de leurs rames, nos noirs chantaient une mélopée étrange qui nous berçait. Deux heures de’ce balancement sur les flots nous parurent n’avoir duré qu’un instant, et à 11 heures sans heurt ni bruit nous nous trouvâmes tout à coup débarqués dans une petite crique : nous avions abordé à la presqu’îie, au village de Manga qui allait nous servir d’asile pendant deux jours.

Nous n’avions emporté que le strict nécessaire pour camper, ayant laissé le gros de nos bagages à Baraka ; vite, vite, dans la demi-obscurité les boys hissèrent nos trois tentes, firent nos lits et le capitaine B. s’étant encore fait chauffer de l’eau pour son thé (car nul Anglais ne se lève ni ne se couche sans consommer au moins une tasse de ce breuvage), nous allâmes nous coucher, n’ayant aucune idée des lieux où nous campions. Aussi fûmes-nous bien étonnés le lendemain matin, en nous réveillant, de voir que nos tentes étaient dressées au bord même d’un village indigène, dont les habitants ne se gênaient pas pour venir nous regarder sous le nez. Nous avions bien vu la veille au soir se glisser quelques ombres au moment de notre arrivée,