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chasses et voyages au congo

que pour celui qu’il sent être son maître. — Après cet incident, le retour dans la nuit me laisse un très joli souvenir ; les hommes avaient entonné une mélopée bizarre que cadençait le mouvement de leurs rames, et dont le refrain qui m’est resté peut se traduire à peu près ainsi : Hé le lé, Hellen gezé ! Et de temps en temps, pour éclairer la côte que nous frôlions, et éviter les récifs nombreux en ces parages, nous allumions de grandes torches et nous voyions tout autour de nous des feux semblables qui de loin en loin paraissaient des vers luisants se mouvant sur les flots, et qui n’étaient que d’autres torches guidant comme la nôtre, l’une ou l’autre barque de pêcheur, attardée dans la nuit.


29 novembre.

Nous décidons le départ vers le fond de la baie malgré le temps très menaçant ; de grands voiles de nuages couvrent la rive opposée et font comme un paravent de brouillard ; bientôt les nuages qui nous entourent crèvent et la pluie se met à tomber. Malgré cela nous embarquons et tels les noirs nous nous laissons tranquillement inonder, sachant que le soleil que déjà l’on sent derrière les nuages, viendra bientôt sécher jusqu’au dernier fil de nos vêtements mouillés.

Nous faisons halte au village de Vano où nous venons rendre au Sultan du même nom sa visite de l’autre jour. On croit peut-être, et avant de venir dans ce pays c’était aussi mon idée, que pour être promu à la dignité de chef, il faut que l’âge ou un certain mérite y donne droit, mais ceci n’est pas du tout le cas parmi ces peuplades primitives où c’est plutôt une sorte d’oligarchie qui régit la communauté, et où les familles influentes préfèrent bien souvent avoir à leur tête un enfant qu’elles dirigent à volonté et selon leur bon plaisir ; et j’ai par la suite eu plus d’une fois l’occasion de constater, que tel adolescent, chef soi-disant d’un puissant Etat, n’était que l’instrument