Page:Maurice Pescatore - Chasses et voyages au Congo, 1932.djvu/80

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
68
chasses et voyages au congo

qui confirme mon opinion sur la rareté du gibier dans ces parages.

Après le déjeuner nous décidons de nous rembarquer et d’aller tenter notre chance de l’autre côté de la baie ; nous remontons en pirogue par un beau soleil, mais brusquement le temps change, de gros nuages paraissent à l’horizon, le ciel se couvre et en même temps le vent se met à souffler, le lac se ride, de grosses vagues l’agitent furieusement et il prend l’aspect d’une mer déchaînée : la tempête bat son plein dans toute son horreur et sa beauté et notre pirogue, simple coquille de noix livrée aux caprices des flots a fort à faire pour se maintenir debout sur les lames qui l’emportent. Nos rameurs ne sont qu’à moitié rassurés et longent autant que possible la côte pour pouvoir aborder, si le besoin s’en faisait sentir, et faisant force de rames nous arrivons au bout d’une heure de traversée dans une petite crique où nous jetons l’ancre ; malgré une pluie diluvienne qui s’est mise à tomber, nous ne sommes pas fâchés de nous sentir hors des atteintes du cyclone et vite nous dressons nos tentes pour nous mettre à l’abri. On nous avait bien dit que sous l’Équateur ce genre de tornade vous surprend avec une soudaineté déconcertante, mais il faut l’avoir éprouvé soi-même, pour se rendre compte de la rapidité foudroyante avec laquelle en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, l’orage arrive, éclate et repart en balayant tout sur son passage. Quand le grain est passé, et que l’on se retrouve trempé mais heureux d’en avoir été quitte pour une douche, on est tout étonné de voir s’apaiser les éléments qui peu d’instants auparavant paraissaient devoir tout engloutir et l’arc-en-ciel qui se reflète dans le lac redevenu transparent, semble dans les teintes roses du couchant, être le sourire de Dieu réconcilié avec la terre…

Profitant des dernières lueurs du jour, nous avons fait aux environs du camp un petit tour d’inspection, et tandis que je ne rencontre pas même la trace d’un animal vivant, ma femme qui s’est promenée au bord du lac tue un aigle