Page:Maurice Pescatore - Chasses et voyages au Congo, 1932.djvu/82

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
70
chasses et voyages au congo

son personnel blanc ; nous croyons que le dimanche en est la cause, et que tout le monde est parti en excursion ; mais bientôt nous trouvons caché au fond de sa boutique un Grec qui nous apprend qu’une révolte de nègres a éclaté à Luebo et que tous les Européens sont partis pour aller prêter main-forte au colon dons les biens et la vie même sont menacés. Nous hésitons un moment, le capitaine et moi à aller nous joindre aux défenseurs, mais à la réflexion nous préférons ne pas nous en mêler pour ne pas inutilement compliquer les choses ; je redoute un peu l’ingérence de mon compagnon dont la tête chaude pourrait le porter à des voies de fait regrettables, et à des actes, qui comme sujet anglais pourraient avoir une répercussion pleine de conséquences ; et quant à moi-même envoyé quasiment en mission par le Gouvernement belge, et jouissant de faveurs et de permissions toutes spéciales, que penserait-on en haut lieu, si, comme première grosse bête, j’annonçais un nègre au tableau ?…

Nous préférons donc attendre les autorités qui paraissent le lendemain sous figure de l’Administrateur accompagné de sa femme, de son adjoint et de huit soldats. On s’étonnera peut-être qu’il ait fallu à la justice près de quarante-huit heures pour arriver sur les lieux, mais si l’on réfléchit que dans la région où nous nous trouvons, il n’y a ni téléphone, ni télégraphe, mais que toutes les nouvelles doivent se transmettre par porteur, on comprendra aisément qu’avant que celle des événements de Luebo ne soit parvenue aux oreilles de l’Administrateur qui se trouve à quarante kilomètres de là deux jours entiers soient déjà passés. Surtout que les indigènes qui bien certainement en étaient avertis depuis longtemps, n’avaient aucun intérêt à voir se terminer plus ou moins vite la rébellion de leurs compatriotes, qui tôt ou tard devaient finir par écoper, et il est même probable, que l’un ou l’autre des nombreux messages envoyés pour avertir l’Administrateur auront été interceptés en route.