Page:Maurois - Ni ange, ni bête, 1919.djvu/183

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notre ménage un budget que, depuis deux ans, je me suis efforcée de respecter.

Je me vois aujourd’hui si gravement endettée que j’en suis malade. Je n’ose plus entrer chez Mme Urbain, mon épicière, et je dois plus de cent francs à ma couturière qui est pauvre et m’aime trop pour se plaindre.

J’évite de mon mieux les dépenses inutiles et je fais moi-même la plupart de mes robes, mais mon mari, dans ses calculs, par ailleurs admirables, avait négligé la naissance d’un fils, la casse de la vaisselle et la hausse des prix : j’en ai souffert. L’appétit robuste de ses amis politiques et les besoins de la presse négrophile m’ont achevée.

Il me suffirait, direz-vous, de lui expliquer ces choses ? Comme dit ma couturière: « On a sa fierté », et d’ailleurs je n’ai point la chance d’être née noire, ou polonaise. Mon mari remarquerait aussitôt que ce budget