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ANTHINEA

d’aujourd’hui saisiraient cette opération très fine de l’esprit religieux. Ce n’était pas un simple culte rendu par la ville d’Athènes au moi athénien. L’adoration un peu brutale des Romains pour la déesse Rome eut peut-être ce caractère d’égoïsme : hommes d’Etat par-dessus tout, ils mettaient sur l’autel leur œuvre envisagée comme volonté créatrice et comme objet créé. Athènes ne s’adorait point sans la mâle pudeur et l’humilité que prescrit une intelligence profonde.

La piété d’Athènes apportait le tempérament naturel à cet orgueil humain, qui est la dernière folie. Morale, religion ou politique, ce qui ne fonde que sur la volonté des mortels n’est guère plus certain que ce que l’on construit sur leurs bons sentiments. La piété des Attiques a été plus parfaite, parce qu’elle repose sur un fondement moins fragile : elle prend conscience des auxiliaires secrets qui, en nombre infini, fertilisent notre labeur ; elle conçoit que la part de notre mérite, dans nos victoires les plus belles, est presque nulle, que tout, en dernière analyse, dépend d’une faveur anonyme des circonstances et, si l’on aime mieux, d’une grâce mystérieuse. Ainsi les Athéniens, quand ils priaient Pallas, invoquaient le meilleur d’eux-mêmes et en même temps ils invoquaient autre chose qu’eux. La déesse à laquelle ils faisaient abandon, honneur et hommage d’Athènes était bien leur propre sagesse,