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ANTHINEA

— Point du tout, me dit-il. Vous seriez quitte à trop bon compte. Je ne suis pas Français de la manière qu’il vous semble. Marseille n’est pas mon berceau ni celui des miens, et je n’y ai guère vécu. Je suis de race grecque. Je n’ai pas un globule de sang qui ne soit grec. Et, bien que personne ne soit plus Grec que moi, je dépends du consul de France.

— Mais, dis-je, les effets de la naturalisation varient beaucoup d’État à État.

Mon. compagnon interrompit :

— Distinguez-moi bien d’un Métèque : ni mes pères ni moi n’eûmes aucune formalité à remplir pour devenir Français. Nous sommes Français naturels, exactement comme vous l’êtes, sans avoir rien fait pour cela : par la position du lieu de notre naissance, par le droit ou par le hasard de la nature, le sol où sont nés les vôtres, comme les miens, étant, de fortune, français.

La voix chaude et chantante, mais exempte de raucité, il agitait le balancier de son origine :

— Grec et Français, Français et Grec : comment cela m’est-il possible ? … Ah ! monsieur le félibre, ah ! monsieur le nationaliste ! ah ! monsieur le sociologue, vous voilà du fil à retordre… Et l’œil au clair, l’index hoché rythmiquement depuis l’extrême droite jusqu’à la gauche extrême m’enfermaient dans le cercle de la question.