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ANTHINEA

sont de rigueur. Le seul refuge de l’étranger est à la campagne. Mais mon ami roulait depuis des heures dans la campagne d’Ajaccio sans trouver nulle part un coin où mettre pied à terre. La voiture, attelée de robustes petits coureurs, dépassait l’extrême banlieue. Cette fois, des conflits aigus avaient envenimé les anciennes blessures, des passions nouvelles étaient dans l’air. Le moindre pâté de masures enfermait la guerre et ses cris. Tout coude des chemins promettait un combat singulier à défaut de quelque rencontre de clans. Mon ami, qu’une indisposition éloignait du service actif, regrettait cette turbulence sous la vigne et sous l’olivier.

— Hé, quoi, disait-il, ce beau ciel, cette généreuse nature refuseront la place des rêves d’un soir ?

Il prit le parti de se perdre tout à fait dans la solitude. Les chevaux excités le traînèrent par monts et par vaux, entre les plus doux paysages et les plus violentes populations, l’espace de cinquante kilomètres exactement. Au cinquante et unième, la scène changea tout d’un coup.

De nouveaux visages parurent. On devait approcher d’un bourg considérable, s’il fallait en juger par le nombre et l’architecture des toits qui se montraient au-dessus de la côte, entre les sinueuses guirlandes de cactus rouges et violets ; mais l’apparence de cette petite ville charmait