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ANTHINEA

chez Renan le même sourire. Mais on voit bien qu’ici Renan est loin de plaisanter. Où Maistre raille, Renan marque un sérieux extrême. Ainsi, je ne le puis écrire sans tristesse, apparaît une des larges plaies que le romantisme, l’Allemagne et son christianisme avaient ouvertes dans cette délicate pensée.

Ceux qui ont écrit l’Organon, bâti ce Parthénon, inventé l’ordre des sciences et conduit tous les arts au degré de la perfection, ces petites gens de la Grèce ne m’ont pas permis de lire jusqu’à la fin la fameuse Prière d’Ernest Renan, que j’avais emportée un jour sur l’Acropole. — Ce rythme, me disaient leurs ombres, ce rythme chanteur est de nous. Bien que d’une cadence outrée, retiens-le si tu veux et rappelle-toi de chasser les paroles qu’il accompagne : non qu’elles soient toutes mauvaises, mais les meilleures sont corrompues par le voisinage

Et en effet. On ne dit pas : « Il y a un lieu ou la perfection existe, il n’y en a pas deux, c’est celui-là » pour objecter un peu plus loin au génie de ce lieu unique « qu’il y a de la poésie dans le Strymon glacé et dans l’ivresse du Thrace ». Que pouvons-nous avoir affaire d’une chansonnette gothique dans le lieu de la perfection ? On ne redit pas devant une déesse, à quatre reprises, « toi seule » (seule jeune, seule pure, seule sainte et seule forte), pour lui souhaiter, en adieu, une