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kiel et tanger

qu’ici aucun retour de ce service, puisque nous avions semblé résolus à n’agir désormais que dans ces mers lointaines où les conflits avec sa puissance restaient fatals. Mais, puisque nous rentrions en Europe, il était temps de considérer qu’Henri IV, Louis XIV, Louis XV même, avaient songé à dominer le continent avec cette amitié de la maîtresse de la mer : aujourd’hui comme alors elle était décidée à tout nous faciliter du côté de la terre ferme.

Il n’était plus possible de décliner purement et simplement une offre pareille. L’Angleterre pouvait tenir notre neutralité pour une menace,

    une très grande impression. Les instructions de Oddo Russell — l’ambassadeur d’Angleterre à Berlin — portaient : qu’il devait déclarer que ses ordres précis lui prescrivaient d’appuyer la Russie, quoi qu’elle dît et fît, et que toutes ses paroles, en ces circonstances, devaient être considérées comme la parole même de son gouvernement et l’expression des sentiments de sa souveraine. »

    Alors s’engage le mémorable dialogue entre lord Russell et M. de Bismarck, furieux de voir lui échapper sa proie :

    — « Vous devenez bien belliqueux sur le tard, Messieurs les Anglais ! » dit le prince, mordant sa moustache grise.

    — « Prince, répond l’ambassadeur, — sans permettre à son tic habituel de se produire : le bizarre sourire qui lui servait parfois à attribuer à une plaisanterie les paroles qu’il voulait démentir, — prince, il n’est jamais trop tard pour bien faire. »

    Et, pendant ce temps, lord Loftus, pour décider l’indécis que fut trop souvent Alexandre, faisait télégraphier en clair, dans toutes les directions, les termes de son entretien avec le tzar. La parole de l’autocrate était engagée, l’alerte était passée.

    « Cette attitude de l’Angleterre, dit encore le général Le Flô, était de nature à faire réfléchir plus sérieusement le