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l’anarchie au xixe siècle

liques contre les imbéciles et contre les malades qui profitent du doute philosophique pour troubler l’ordre ou pour consentir aux perturbations, il devait nécessairement se prononcer contre cette troisième et cette quatrième classe d’esprits qui, sans se résigner au néant ni au mal, quittaient le Dieu catholique sans le quitter.

C’étaient d’abord ces marguilliers de l’Examen qui, ayant usé une fois de la Liberté intellectuelle contre l’idée de Dieu, s’entraînaient à penser que cette Liberté, placée sur le trône de Dieu, leur fournissait un bon modèle de pensée, de moralité et de civilisation : autant espérer de la hache les services de la boussole ou du niveau. C’était ensuite cette dernière catégorie d’anarchistes qui ont bien quitté le dogme catholique, mais qui en ont maintenu subrepticement toutes les déductions et conséquences d’ordre moral.

Nous connaissons en France, en Angleterre et en Russie beaucoup d’athées chrétiens qui construisent une morale, mais craignent de la motiver. Ils prescrivent aux hommes une discipline, et cette discipline est « indépendante » de toute conviction ; un ensemble de devoirs, et ces devoirs ne sont rattachés à aucune foi ; un système de dépendances humaines, et l’homme n’y dépend d’aucun système du monde. Mais il faudrait pourtant choisir : ou bien chaque homme est souverain, et n’est assujetti qu’à sa volonté propre, ou, s’il est sujet d’une dette, il faut qu’on lui dise pourquoi. La morale libérale refuse énergiquement de justifier ses caprices impérieux. « Impératifs hypothé-