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auguste comte

on ne peut s’écarter beaucoup des conséquences qu’il a déduites.

Le culte rendu à l’Humanité sert proprement d’excitateur continuel et régulier aux puissances d’enthousiasme et d’énergie accumulées dans le dogme. Ou l’Humanité ne sera qu’un terme vague, général et sans efficacité, ou nous devrons préciser rigoureusement ce qu’il faut vénérer en elle : moment, lieu et personnes. Il faudra nommer les grands hommes, leur consacrer des jours, des semaines, des mois. Il faudra vous montrer l’élément religieux, la poussière d’Humanité qui flotte autour de vous et, comme toujours, la classer et l’organiser. Vous la verrez dans la famille : vous lui élèverez l’autel domestique. Vous la verrez dans la patrie, et le patriotisme en aura ses rites particuliers. La femme que vous aimerez vous sera aussi, de toute nécessité, une image sensible, vive et puissante, de la flamme d’amour qui chasse l’homme de lui-même et lui révèle qu’il est fait pour d’autres que lui. Mais, si le fondateur de votre culte aima avant vous, pourrez-vous refuser à son élue le rang de patronne et de bienheureuse ? Elle figurera la Femme dans l’Humanité. Avec une exactitude qui touchera même vos sens, elle signifiera le règne du cœur[1], mais d’un cœur assisté de toutes les clartés

  1. Il faut s’entendre, en effet, quand on écrit que la morale de Comte établit le règne du sentiment. Avec quel dédain il écrit d’une personne qui lui déplaît : « Émanée d’un père stupide et anarchique, cette jeune dame croit et dit que la vie n’a jamais besoin d’être systématiquement réglée, et que le sentiment suffit pour nous conduire ». (90e lettre au Dr  Audiffrend, 26 Aristote, 69).