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Page:Maurras - L’Avenir de l’Intelligence.djvu/190

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le romantisme féminin

Mais que Renée Vivien, passant en revue toutes les plus fameuses beautés de l’histoire ancienne et moderne, leur fasse confesser successivement qu’ayant été marquées de « l’astre fatal » qui allume l’amour, aucune d’entre elles ne put se dire « heureuse » ; la conclusion, le rapprochement, la conception même de ce poème, sans cesser d’être déraisonnable, ne choquent point dans l’esprit d’une jeune fille, où l’enfantillage apparaît plus convenable que la raison. Nous n’attendons point de Renée Vivien des idées philosophiquement vraies, mais des émotions justes, quelle qu’en soit la cause, folle ou sage, pourvu qu’elle soit puissante et profonde.

Ces belles femmes n’ont pas été très heureuses. Cette beauté, ce bien que l’on désire par-dessus tout, ne fera donc pas le bonheur ? Elle détermine donc le malheur ?

Ces enchaînements de rêveries ne se jugent point en eux-mêmes. Il ne faut point dire qu’ils sont faux. Ils sont femmes. La nature a voulu que les femmes fussent portées à concevoir à peu près tout ce qui les touche dans une connexion étroite avec les idées vagues du bonheur, de la chance, de la fatalité, du destin. L’avenir est dans leur obsession naturelle. C’est en vain que le sage Horace les prévient que les choses futures ne sont pas aussi régulièrement arrêtées. Elles se sentent les providences de l’être. Toute femme écoute magnifiquement résonner jusqu’au fond des entrailles les moindres conjectures sur le rapport de ce qui est ou fut avec ce qui sera. Un instinct