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madame de régnier

Cependant nul être vivant, nulle réalité précise ne vaut l’activité et le pouvoir latent de la volonté collective de nos ancêtres. La puissance plastique en fut sans doute autrement vive du temps où, s’exerçant presque seule en Europe, elle francisait un Hamilton, un prince de Ligne. Mais on ne peut pas dire qu’elle est éteinte, car elle conserve ses grands moyens assimilateurs, elle agit, avec lenteur et sûreté, par un invisible ferment. Si la négresse Cœlina, si l’auteur des Trophées, si l’auteur d’Aréthuse appuyaient en un même sens sur la pensée de Mme de Régnier, dans le sens opposé s’exerçait une multitude mystérieuse d’esprits, de corps partout présents. La forme d’un palais, le dessin d’un beau meuble, le son d’un mot furtif, ce jardin solitaire où la verdure, l’eau, la disposition des balustres parlent au cœur, en faut-il davantage pour insinuer, à travers tout ce qui la voile, l’idée supérieure de l’art et du style français ?

Idées rapides, vues sommaires qui se formulent en éclairs. Mais, pour former un style ou le régénérer, ces impressions soudaines, nouvelles, fulgurantes, veulent être organisées avec soin et conservées en quelque centre bien défendu qui commande la vie de l’âme et qui la soumette à une règle constante. Point de style sans fidélité. Point de fidélité sans discipline héréditaire ou volontaire. Il la fallait volontaire ici. Le distique de l’Ombre dut être écrit en 1896. Je doute que les années suivantes aient fourni à Mme de Régnier des occasions fréquentes ou propices d’aiguiser ce sens du classique, qui lui était venu comme un